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| Je suis belle, Auguste Rodin. |
Pour un long trajet en train j'ai acheté Philosophie magazine. Cela fait deux fois en deux ans que je lis ce journal et deux fois que je me trouve très perplexe en le lisant.
Il y a notamment dans le numéro actuel un article intitulé "l'apologie du bronzage" dont j'ai trouvé le contenu pas inintéressant mais aux antipodes de mes questionnements sur le sujet. J'y ai appris, entre autres, que Nietzsche (beaucoup trop de consonnes à la suite dans ce nom, je ne sais jamais l'écrire) était un précurseur en la matière, qu'il assumait une peau je cite: "basanée" parmi tous ses amis allemands blancs comme des endives, parce qu'il avait l'habitude de passer ses vacances estivales au bord de la méditerranée. Ainsi, il fut un temps où bronzage rimait avec pécore qui trime aux champs et ce n'était pas très stylé, voyez-vous. Aujourd'hui, bronzage rime avec: j'ai les moyens de me payer des vacances au soleil, et ça c'est la classe mes amis.
Le journaliste/poule/philosophe qui a PONDU cet article (oui, c'est la poule qui fait les oeufs... fait les oeufs/philosophe... bon, ce jeu de n'est pas de moi) soumet l'idée que la tendance actuelle est de fuir le soleil et l'envie de bronzer, alertés pas les recommandations de l'OMS (organisme mondial de la santé) contre les uvb, uva, tralala. Il s'en insurge et prône un retour aux plaisir instinctifs de la chaleur sur l'épiderme, blablabla.
Alors alors, ce qui me chiffonne c'est que mon expérience du rapport au bronzage soulève le problème inverse!
Première chose, à voir les bancs d'humains échoués sur le sable des plages estivales bondées, à aucun moment je ne me dis que décidément, il y a un refus du bronzage dans cette société! Puis l'évidence est qu'il y a une forme de diktat de la peau halée, révélatrice d'une certaine hygiène de vie, de temps passé au grand air, d'une énergie sportive... Le premier paragraphe de l'article suggère que le bronzage est une mode que l'on tend à railler en la jugeant superficielle. Il pose une série d'arguments en faveur du bronzage. J'ajoute un point qui manque à son propos: plus qu'une mode, c'est un acquis culturel, un code esthétique à part entière!
Ma peau bronze assez peu, on ne me confondra jamais avec une méditerranéenne pure souche (encore que...?) et j'ai droit à cette remarque à longueur d'année: "eh bien, ça ne se voit pas que tu vis dans le sud!". Comment vous dire...? Non, je n'ai pas une exposition au soleil effrénée en quête absolue d'assombrir mon épiderme. Oui j'adore le soleil et la chaleur mais je ne suis ni une sardine ni un poivron et la grillade, très peu pour moi. Le plus agaçant est d'avoir à me justifier à ce sujet.
Je suis la cible visée par ce journaliste philosophe puisque je mets de la crème solaire quand je suis à la plage, l'insolation n'étant pas mon activité favorite. Je ne suis pas contre le bronzage! Je suis pour un rythme de vie naturel où ma peau fonce parce que je me suis baignée promenée assoupie sous les rayons du soleil, mais pas étendue sur le grill et retournée toutes les quinze minutes comme un rôti.
Toujours dans cet article ce monsieur raconte le délice qu'il éprouve sous le soleil de cette bonne vieille méditerranée (encore elle!) à dorer de longues minutes sous une chaleur intense. Viens à Istres mon coco, et dis moi ce que tu en penses parce que moi à part me cloitrer tout le jour tous volets clos je ne vois pas comment survivre. A moins d'avoir une villa au bord de l'eau, là j'approuve absolument. Tu me la prêtes ;) ?
Aussi, un passage m'a fait beaucoup rire. Pas à gorge déployée mais pas loin. Qu'est ce que je suis méchante! Ahahahah! "La vérité, c'est que nous ne sommes que matière. Nous sommes composés de cellules, elles-mêmes composées d'atomes. (Jusque là ça va, je glisse quand même un petit BINGO MA TERREUR) Se sentir bloc de matière, impression qui ne peut passer que par la peau, je crois, n'est-ce pas se connaitre soi-même tel qu'on est vraiment?". C'est juste et c'est bien essayé, mais vous croyez mal, monsieur (oui je vous vouvoie à nouveau, je ne sais pas, c'est aléatoire).
Se sentir faire corps, être matière, ne passe pas que par la peau, quelle idée curieuse. Je ne veux pas m'étendre sur le sujet de la matière du corps et sur la sensation mais cela m'amène à la réflexion suivante: philosopher, c'est bien, se référer à l'expérience, au sens du vécu, du senti, c'est mieux. Comme quoi tout un chacun devrait faire de la danse, c'est la meilleure façon d'incarner son corps, de ne plus le dissocier de soi comme étant une chose étrangère que l'on habite, c'est la meilleure façon de vivre!
Je dois dire finalement que je ne trouve pas de plus belles peaux que celles délicieusement bronzées. Je ne sais pas si c'est culturel... mais c'est un fait, ce sont mes goûts.
Bonnes heures de barbecue humain sur la plage, et bonnes lectures estivales.
Je veux contre tes flans de bronze m'assouprir
Pour oublier le temps qui sévanouit...
extrait de Retiens-moi de Claire Diterzi,
morceau inspiré par la sculpture de Rodin ci dessus.